Jean-Gabriel Périot, réalisateur d’un film sur la RAF

 

Né en 1974, Jean-Gabriel Périot a commencé à travailler comme monteur. Mais depuis plus d’une quinzaine d’années, il fait aussi des films dont beaucoup de courts métrages, basés sur des archives. Dans Une Jeunesse allemande, le cinéaste français s’est penché sur le mouvement terroriste de la RAF (Fraction armée rouge, en français), qui opéra en Allemagne de 1968 à 1998.

 

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce pan de l’histoire allemande ?

Sachant que tout mon travail tourne autour de la violence, je faisais des recherches sur les mouvements de résistance et de lutte armée dans les années 60-70 au Japon, aux États- Unis et en Italie. Pas forcément en Allemagne. Mais j’ai fini par m’y arrêter, car j’avais l’impression de découvrir un territoire historique. Moi qui ai grandi dans un esprit européen, avec l’idée que Français et Allemands partageaient la même histoire d’après-guerre, j’ai réalisé que ce n’était pas le cas. Et surtout, j’ai découvert que des figures publiques comme Ulrike Meinhof ou Holger Meins, étudiant à la DFFA (Deutsche Film- und Fernsehakademie) de Berlin, étaient impliquées dans un mouvement artistique cinématographique lié à leur contestation. Autour d’eux, ou grâce à eux, de nombreuses images d’archives existaient. De fait, ce n’était plus en tant que Français, mais en tant que cinéaste que je me suis intéressé à cette histoire, devenue pour moi singulière.

 

Quel déclic vous a incité à vous lancer ?

L’Allemagne en automne. Ce film collectif réalisé en 1977 par Alexander Kluge, m’a paru totalement incompréhensible. Pour moi, le fait que des cinéastes se regroupent quelques semaines à peine après la mort des membres de la RAF pour réaliser un film plutôt mélancolique, presque de deuil, et très critique envers l’État allemand, m’a époustouflé. Si aujourd’hui on faisait de même, par exemple après les attentats contre Charlie Hebdo, le film serait taxé d’apologie du terrorisme.

 

La France traversait, en Mai 68, un mouvement contestataire étudiant. Pourquoi ce dernier n’est-il pas tombé dans le terrorisme alors qu’en Allemagne, si ?

Le mouvement étudiant français, dont les revendications étaient très différentes de celles de leurs voisins allemands, bénéficiait du soutien de la société. La grève générale, les mouvements ouvriers et le Parti communiste, alors puissant, témoignaient leur solidarité aux étudiants. Et même si Mai 68 n’a pas bouleversé la société, des changements se sont opérés. Or, cette écoute de la société n’existait pas du tout côté allemand. Les membres de la RAF qui souhaitaient continuer à être actifs ont dû ressentir un fort désespoir face à cet isolement. L’impossibilité de faire bouger les choses est une des raisons de leur radicalisation.

 

En français, l’expression « la bande à Baader » est entrée dans le langage courant. Que savent les Français de cette période ?

Les quarantenaires, ma génération, pas grand-chose. On associe souvent « la bande à Baader » à un mouvement terroriste, deux ou trois images refont surface et c’est tout. La génération au-delà de 60 ans en garde beaucoup plus de souvenirs. Un peu biaisés d’ailleurs. Sachant que certaines personnes de la RAF s’étaient réfugiées en France, police et Justice allemandes et françaises ont dû travailler en étroite collaboration pour régler des extraditions. D’où un mouvement de réprobation dans l’opinion française, si on en juge par le nombre d’articles parus à cette époque dans Libération et Le Monde. S’y est ajoutée une très forte accusation partout dans la presse, comme quoi l’État allemand aurait assassiné des membres de la RAF en prison. Toute la mythologie de l’extrême-gauche s’est formée à ce moment- là. Maintenant, on sait que cette histoire est plus complexe. Plusieurs questions restent encore sans réponse.

 

Ecoutes
janvier 2016